L' animation ou médiation

par Jarmo Skön

Vimmart - Inclusive Art School, Tampere, Finland

Zoom sur l’animation: viser la reconnaissance mutuelle
Les outils pour promouvoirl’art de manière inclusive

Le projet Contact, et la méthode Contact développée tout au long du projet, se concentrent sur la construction des interactions à travers de l’art dans des groupes inclusifs. Nous utilisons des méthodes de danse et de musique comme outils pour créer de nouvelles opportunités d’interaction et de contact égalitaire. Grâce à l’échange et à la pratique, les méthodes artistiques deviennent familières et fournissent une plateforme permettant aux personnes qui participent d’être impliqués et créatifs d’une manière innovative.

 

Tout au long du projet, nous avons beaucoup réfléchi à des questions comme celles-ci : 

  • Comment puis-je diriger un groupe inclusif ? 
  • De quels outils ai-je besoin en tant qu’animateur ou animatrice ?
  • De quels outils ai-je besoin pour soutenir la formation d’un groupe inclusif ? 
  • Comment puis-je m’engager avec les personnes qui participent et les inviter à participer ?

 

Par la suite, je vais souligner trois éléments de ma propre pédagogie et résumer mes propres observations et expériences de facilitation de l’art inclusif. Je travaille actuellement en tant qu’artiste et éducateur artistique en Finlande et j’ai 20 ans d’expérience dans l’utilisation et l’application de différentes formes d’art avec divers groupes ayant différents types de besoins. La facilitation artistique est un travail délicat, et ce qui la réalise doit garder à l’esprit plusieurs aspects des activités artistiques et de groupe. En outre, il faut aussi réfléchir honnêtement à son propre travail de facilitation afin de se développer.

 

Anthony de Mello a écrit avec perspicacité sur le sujet :

« Écouter et voir sont les choses les plus difficiles au monde. Nous ne voulons pas voir – nous ne voulons pas regarder parce que nous pourrions changer. L’éveil ne requiert ni énergie, ni force, ni jeunesse, ni même beaucoup d’intelligence. Ce qui est le plus nécessaire, c’est d’être disponible pour apprendre quelque chose de nouveau. Nous n’avons pas peur de l’inconnu, mais de perdre le connu. »

1. L’animation socioculturelle

Le premier point de ma propre facilitation est fortement basé sur l’animation socioculturelle et je préfère utiliser le terme ‘animation’ au lieu de ‘facilitation’ par rapport à la création des processus artistiques. La base de l’animation socioculturelle est de soutenir la sensibilisation de l’audience et le processus de réalisation de soi, ainsi que d’augmenter l’interaction sociale et d’améliorer ainsi la qualité de vie. Elle vise également à la prise de conscience et à la mobilisation à l’action. En animation, l’objectif est de faire ressortir les qualités et les talents individuels de tous ceux qui participent pour créer un nouveau niveau de compréhension. Ces mêmes valeurs peuvent être considérées comme le point de départ de la méthode Contact. 

L’animation est aussi une attitude qui comprend la vocation et l’engagement professionnels. L’équipe d’animation guide ensuite ses propres équipes vers l’exploration et le développement, ce qui leur donne l’occasion de se comprendre et mieux comprendre les autres et le monde qui nous entoure. Vous pouvez commencer à réfléchir à votre propre rôle d’animateur en explorant vos propres qualités. Ces éléments constituent également un bon guide pour la facilitation artistique, quelle que soit la forme d’art.

Les qualités d'un bon animateur ou bonne animatrice peuvent inclure par exemple :
  • LA CONNAISSANCE DE SOI
    • Quelles sont les choses que j’apprécie ? Quelles sont mes forces ? Et où dois-je m’améliorer ? Puis-je identifier mes propres préjugés ou peurs ?

 

  • LA CONFIANCE DANS LES QUALITÉS ET LES CAPACITÉS DU GROUPE
    • Comment identifier les compétences individuelles de chaque membre du groupe et tirer le meilleur de tous?

 

  • LE DIALOGUE
    • Comment créer un espace ouvert et accueillir tout le monde?
      • Leurs compétences, leurs expériences, leurs passions et leurs curiosités?
      • Des choses et des phénomènes nouveaux, différents et inattendus?

 

  • LA RÉSILIENCE (physique et mentale)
    • Comment prendre soin de soi et prévenir le stress?
    • Comment reconnaître ses propres limites?

 

  • LA DEDICATION
    • Comment faire en sorte que votre propre potentiel soutienne au mieux l’activité?

 

  • L’EXPERTISE
    • Compréhension de la forme d’art et de la manière de l’utiliser

 

  • LES COMPÉTENCES ORGANISATIONNELLES
    • Comment garder les différents aspects des processus sous contrôle et votre propre pensée claire ?

 

  • L’OUVERTURE À L’APPRENTISSAGE
    • Pouvez-vous parfois être novice et vous permettre d’adapter des nouvelles perspectives?

 

  • LA PRÉSENCE
    • Comment entendre et voir vous-même et les autres aussi ouvertement et honnêtement que possible?

L’attribut le plus important pour animer l’art est l’inspiration, vous ne pouvez pas animer si vous n’êtes pas vous-même inspiré. Animer, c’est aussi ouvrir le champ du possible, car vous devez amener les membres du groupe vers quelque chose de nouveau. Vous encouragez les participants à s’aventurer dans l’inconnu et à acquérir de nouvelles connaissances. L’intelligence émotionnelle est également l’un des outils les plus importants. Vous devez concentrer tous vos sens sur le moment présent et orienter les activités dans une direction qui aide le groupe à mieux fonctionner.

2. Identifier et évaluer sa propre compétence professionnelle

Un autre point de mon approche est la perception et l’évaluation holistique de ma propre compétence professionnelle. La croissance de la facilitation artistique peut être illustrée, par l’image suivante, qui divise la facilitation en six domaines différents:

Connaissance (tête)
Responsabilités (épaules)
Attitudes (cœur)
Compétences - artistiques et autres (mains
Ajoutez le texte de votre infobulle ici
Limitations (externes)
Expériences (pieds)

La division en six domaines différents de la facilitation (illustrée sur l’image) met en évidence le fait que la facilitation elle-même est aussi un processus. En tant que l’équipe de facilitation artistique, nous devons reconnaître l’essence et les points de départ de notre propre forme d’art (tête). C’est également la clé de l’application de la forme d’art. Outre les compétences artistiques (mains), nous avons également besoin d’autres compétences telles que la créativité, l’empathie, la capacité de discussion et d’écoute, les compétences de groupe, la flexibilité et le courage. 

 

Bien que les processus artistiques, comme la méthode Contact, aient des objectifs sociaux et soient souvent thérapeutiques pour les participants, l’accent des activités doit être mis sur la création artistique elle-même. Il est donc utile de fixer des objectifs clairs pour le processus, tant sur le plan artistique que sur celui de la promotion du bien-être du groupe. La planification du processus s’en trouve facilitée, car les objectifs permettent également de définir le type d’activités à réaliser. Il convient également de ne pas oublier l’évaluation des activités, qui est bien sûr importante non seulement pour les participants mais aussi pour l’équipe d’animation elle-même. 

 

Néanmoins, afin de pouvoir accompagner le groupe d’une manière qui tienne compte de tout le monde et de leurs propres individualités, l’animation artistique doit montrer la responsabilité et la compréhension profonde des activités (épaules). Pendant le processus artistique, vous pouvez vous poser des questions telles que : Quel type de réactions les exercices peuvent-ils provoquer ? Comment agir avec sensibilité et tenir compte de chaque individu ? Vous êtes principalement responsable de la création d’un environnement sûr et respectueux dans lequel tout le monde peut s’exprimer aussi ouvertement que possible et à leur propre manière. Votre expérience antérieure (pieds) vient à l’appui de cette compréhension, grâce à laquelle votre propre compétence se développe également. Il est important de comprendre que les personnes qui participent peuvent avoir besoin de soutien de manières très différentes. Parfois, quelqu’un a besoin d’une légère poussée en avant, parfois il est préférable d’arrêter l’activité et de discuter. Parfois, la meilleure solution consiste simplement à donner de l’espace et du temps. 

 

L’un des éléments les plus importants à prendre en compte est l’attitude (le cœur). Les attitudes doivent être considérées à la fois à un niveau général et individuel. Il est important pour l’interaction appréciative (approche de communication centrée sur l’évitement de réactions émotionnelles négatives) que l’équipe d’animation soit également capable de percevoir ses propres attitudes et préjugés et les effets possibles sur leur travail de mentorat. De plus, les groupes inclusifs peuvent rencontrer des situations très différentes et les participants peuvent avoir des origines et des histoires différentes. Cela peut poser des défis inattendus, voire des conflits, auxquels l’équipe d’animation doit être préparée, si possible. S’entendre sur des règles de base communes contribue à un environnement sûr. Par exemple, l’ensemble du groupe doit connaître les règles communes en matière de communication ouverte et de contact physique parce que les limites créent la sécurité. La joie, c’est-à-dire l’utilisation du rire et de l’humour, est une bonne chose à retenir pour l’atmosphère de l’activité. Outre l’art, l’équipe d’animation mène également le groupe à adapter une attitude respectueuse ce qui implique une compréhension et une reconnaissance mutuelles. Cependant, il est important de se souvenir que l’inclusion ne doit pas se faire « à tout prix », le droit de tous à l’individualité et à leurs propres idées doit également être pris en compte même si elles sont en conflit avec les opinions des autres membres du groupe.

3. La Pédagogie de la Reconnaissance

Le troisième point de ma base pédagogique est la Pédagogie de la Reconnaissance. Cette pédagogie est un modèle de pensée artistico-pédagogique développé en 2012 par l’artiste-chercheur doctorante finlandaise Raisa Foster et basée sur l’analyse du concept de reconnaissance de Paul Ricœur (2005). La méthode s’appuie également en partie sur l’animation socioculturelle que j’ai mentionnée précédemment. La Pédagogie de la Reconnaissance se concentre sur un changement de la pensée éducative à trois niveaux différents : 

 

1) d’une technique d’enseignement qui met l’accent sur la connaissance et la production vers une rencontre éducative improvisée et expérientielle,

2) d’une confiance en soi égoïste vers une conscience de soi réfléchie et,

3) de la tolérance vers une véritable réciprocité entre soi et les autres.

 

La méthode Tanssi-innostaminen® (Dance Animateuring en anglais) développée par Foster est également basée sur ce modèle de pensée pédagogique. Elle a été utilisée comme l’une des approches artistiques dans la construction de la méthode Contact. Ce qui est pertinent dans ce mode de pensée, c’est qu’il permet à la reconnaissance mutuelle d’être le but de toute activité artistique. À mon avis, l’idée dans laquelle les participants peuvent, dans une relation réciproque, être véritablement eux-mêmes au sein de l’art est l’objectif principal de tout travail inclusif. 

 

Mais comment parvenir à ce niveau de reconnaissance mutuelle dans l’interaction ? Dans Tanssi-innostaminen®, le mouvement est au cœur de la méthode et s’appuie sur une variété de tâches basées sur le mouvement. À travers ces tâches, les personnes qui participent bougent seules et ensemble sans instructions précises. Les tâches évoquent des images mentales. Les membres du groupe sont orientés loin de ce qu’ils ont appris, loin de « La Danse » en tant que concept, vers un mouvement improvisé qui vient de l’intérieur d’eux-mêmes. L’animation se concentre donc sur l’établissement d’un cadre dans lequel tout le monde peut se sentir libre. À l’intérieur de ce cadre d’improvisation, un contact est établi entre les participants, et c’est à travers ce contact que l’art se crée, et dans l’art se crée le sentiment de reconnaissance mutuelle.

 

Cependant, la pleine réalisation de l’inclusion est un défi, car tout le monde peut avoir des obstacles internes ou externes, tels que des préjugés et des attitudes qui affectent leur capacité à se lancer dans la situation. Par ailleurs, l’équipe d’animation peut se poser des questions sur l’orientation des activités comme : les activités inclusives exigent-elles des compromis et permettent-elles à tous de faire ressortir leur plus fort potentiel ? Les activités mettent-elles l’accent d’abord sur l’engagement ? Et quel est le rôle des compétences techniques ?  

 

Il n’existe pas une seule réponse à ces questions et je pense qu’il est important de ne pas oublier d’être ouvert et honnête, tant avec soi-même qu’avec les membres du groupe. L’équipe d’animation doit être capable de formuler les objectifs des activités et de proposer à chaque personne qui participe un défi adapté. Les membres du groupe ont également le droit de savoir ce qui est recherché et pourquoi. C’est pourquoi je pense qu’il est autant important de réfléchir au concept de l’art et de le décortiquer. Cela rend possible une compréhension commune. Donc, faites de l’art et de temps en temps réfléchissez à son essence !

Références :

 

Foster, R. (2015). Tanssi-innostaminen. Kohti yksilön ja yhteisön hyvinvointia. Helsinki: Books on Demand. 

 

Foster, R. (2012). The Pedagogy of Recognition: Dancing Identity and Mutuality.Doctoral dissertation. Acta Universitatis Tamperensis 1779. Tampere University Press. 

 

Kurki, L (2003). Sosiokulttuurinen innostaminen: muutoksen pedagogiikka. Vastapaino. 2003.